vendredi 27 juillet 2018

Chanter faux (dialogue avec un psy).



« Cela me désole, mais vous comprenez, je n’ai pas d’autre choix que d’être un usurpateur. N’ayant pas de nom, je pique celui des autres. J’ai longtemps prétendu m’appeler Martin – comme mon bienfaiteur, Igor Martin. Ou Auguste Ploum. Ou Hermann Hesse. Ou Maupassant. Ou Zorro. Ou Sigmund Freud. Ça me donne l’impression d’être un ectoplasme. 
- Vous souffrez d’un énorme problème d’identité, dit Kalinette. Vous ne savez pas qui vous êtes, et vous prétendez que c’est parce que vous ne connaissez pas votre nom. En vérité, vous n’avez pas un sens très affirmé de votre moi, c’est tout. Pour une raison que j’ignore, votre personnalité a été entravée dans son développement et, pour avoir le sentiment d’exister,  vous avez recours à des personnalités d’emprunt. Vous vous prenez pour Untel ou Untel. C’est d’ailleurs un phénomène assez fréquent : songez à ces sosies d’Elvis Presley, de Johnny Hallyday, de Michael Jackson qu’on voit un peu partout… Mais le vrai problème n’est pas là. Vous voyez toujours les choses du mauvais côté. Vous n’êtes pas un ectoplasme parce que vous imitez les autres. Au contraire : en les singeant, vous vous façonnez vous-même.
- Je vous demande pardon ?
- Mais oui. Ne l’avez-vous jamais remarqué ? Quelqu’un qui chante faux crée une nouvelle mélodie, sans même s’en rendre compte. Un dessin raté contient plus de créativité qu’une imitation fidèle de la nature : en loupant le portrait de votre petite amie, par exemple, vous donnez le jour à de nouvelles formes, de votre pinceau maladroit nait un visage qui n’existe nulle part ailleurs… Quand vous vous prenez pour quelqu’un, vous ne pouvez pas être lui, c’est impossible, par conséquent vous vous créez vous-même en tâchant de l’imiter. C’est très créatif. Une légende raconte que le Diable, jaloux de la créature parfaite créée par Dieu, a voulu donner la vie à un être semblable, une sorte d’imitation de l’homme : ce faisant, il a raté son coup et a créé le singe. N’est-ce pas très amusant ? Et que serait le monde sans les singes, les forêts d’Afrique et d’Amazonie ne sembleraient-elles pas un peu vides sans ces animaux qui sautent d’une branche à une autre ? »

Extrait de mon roman La Cave et l'imposteur


mardi 17 juillet 2018

Extrait de mon Journal du 16 juillet 2018


Les Français ont gagné. Beuglements et coups de klaxon avinés pendant une partie de la nuit. Contrairement à beaucoup, je ne me prononce pas sur cet événement (la victoire de l’équipe de France). Les gens sont clairement séparés en deux camps : celui, tapageur, de ceux qui fêtent bruyamment la victoire et voient dans celle-ci le prétexte d’une joie collective, d’une communion dans l’ivresse du sport et de la bière et, probablement, l’occasion d’oublier leur vie quotidienne ; et celui, plus discret, mais tout aussi affirmé, des personnes hostiles au football, irritées par tout ce battage et ce qu’ils voient comme une forme de vulgarité.
Je ne fais, moi, partie d’aucun des deux camps ; la victoire de « notre » équipe me laisse froid mais je ne blâme pas ceux qui s’en réjouissent. Je ne suis ni pour, ni contre tout cela, contrairement à ceux qui disent hargneusement : « je n’en ai rien à foutre » mais qui pensent : « je hais le football et ses supporters. » Moi, je n’en ai RÉELLEMENT rien à foutre !
Bien entendu, le rôle politique démesuré que joue le foot, je devrais dire : les enjeux politiques et financiers monstrueux liés à la Coupe du Monde m’horrifient comme tout ce qui est absurde, mais je ne songe pas pour autant à m’emporter contre des supporters un peu niais, ou même contre un chanteur un peu démago s’exclamant : « on a gagné ! » avant de se mettre à chanter.

Peintures

Le Baiser L'offrande à Priape L'Orgasme Le Songe d'une nuit d'été Pan et jeune homme